Pour un artiste créer, c’est vivre, mais c’est aussi se raconter. Les codes traditionnels du récit ont été brouillés il y a maintenant un siècle avec les débuts de l’abstraction et le formidable développement de la psychanalyse tout au long du XXe siècle permet à chacun de s’interroger sur la signification d’une forme ou d’une couleur.
L’œuvre de Maria Bosch s’inscrit résolument dans la modernité, et même dans l’actualité la plus aigüe de l’Occident : crise
économique, crise de civilisation, perte des valeurs, positionnement dans le groupe, dans le monde. Les céramiques de Maria posent autant de questions qu’elles donnent de réponses. Elles invitent le spectateur au voyage, à la rêverie. Allégorie de l’Univers, représentation d’un Monde, cocon qui cache les réponses, ou tout simplement reflet de l’âme de l’artiste ? Les formes irrégulières, les engobes tour à tour blanc, crème, sombre, égayés de nuages de couleurs pastels ou de taches de couleurs vives, donnent lieu à des interprétations personnelles innombrables : elles évoquent la mélancolie, la douceur, un bonheur calme traversé de moments de joie voire d’extase.
Les céramiques de Maria nous incitent à prendre le temps, tout comme Maria a pris le temps de les créer. La céramique est en effet un Art qui requiert une certaine lenteur. De la forme qui germe dans son esprit aux premiers dessins préparatoires, s’est déjà écoulée une certaine durée. Vient maintenant le temps du travail de la matière. Rien « d’urgent » dans l’ouvrage de Maria, mais un montage lent et minutieux à la plaque où priment bien entendu la forme, mais aussi la texture, car son oeuvre se touche autant qu’elle se regarde. Les anfractuosités, les rugosités, les bosses serviront de support aux engobes qui les amplifieront ou les atténueront. Après un séchage de plusieurs jours, il est temps de cuire. L’étape suivante, la pose des divers engobes sur le biscuit, constitue la phase décisive ; il faut choisir leur épaisseur, leur couleur, décider de leur superposition. Le dernier stade, la deuxième cuisson, est déjà le temps du hasard ; l’œuvre échappe progressivement à l’artiste, le feu décide des teintes et des coulures. Il peut faire ressortir une première couche tout comme la recouvrir.
Laurent Cellier