L’exposition SPEOS nous invite à interroger notre perception du monde souterrain et de ses trésors naturels, visibles des seuls initiés. Tels des spéléologues ou encore des cataphiles, Yann Bagot, Lamya Moussa et JP Racca-Vammerisse ont investi l’espace de la galerie avec les traces de leurs expéditions réelles ou fantasmées dans le monde d’en dessous, parmi les parois de l’invisible.
Constituées de roches poreuses, comme le calcaire et la dolomite, ces excavations naturelles s’étendent en immenses réseaux. Plusieurs dizaines de milliers d’années sont nécessaires pour qu’une grotte de quelques mètres de diamètre se forme. En s’infiltrant dans la roche, l’eau de pluie, naturellement acide, dissout le calcaire et élargit lentement les fissures existantes. L’eau ruisselle vers une issue naturelle et creuse des galeries qui s’agrandissent peu à peu.
Mais le sous-sol ne se limite pas à sa seule majesté millénaire. En psychanalyse, la grotte représente le symbole féminin, utérin, maternel et renvoie l’être humain au mystère de son origine. Comme les abysses, les cavités terrestres offrent une résistance formidable à l’exploration physique et à la connaissance. L’imaginaire, lui, s’y engouffre et s’y déploie, insatiable arpenteur des profondeurs.
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La démarche de Yann Bagot repose sur un aller-retour entre des séances de travail en plein air, au cœur des éléments naturels, et la conception d’images en atelier. Réalisés en extérieur et soumis au déploiement des forces naturelles qui l’entourent, les récents dessins de l’artiste sont les fruits d’une quête spéléologique à l’air libre. Métamorphismes aquatiques, exaltations cristallines, immobilités fugaces et grands espaces minuscules dessinent un parcours aux confins des sources, là où les eaux se rassemblent, dorment, hantent la roche, ressurgissent.
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“On en apprend plus en une nuit blanche qu’en une année de sommeil. ”
Cioran – Entretiens
Cette citation pourrait être le leitmotiv du travail de JP Racca-Vammerisse. Réalisées la nuit, ses récentes sculptures se meuvent en installations. Speos, titre éponyme de l’exposition s’inscrit dans la continuité de sa réflexion autour d’un vide central, initiée avec la série Des*astres (Cristallisations, avec Arnaud Franc, accro Terre – 2014). Émergeant d’une eau blanchâtre, arraché des profondeurs et remonté ici, comme l’on remonte l’eau d’un puits, le visiteur découvre les artefacts inconnus d’un voyage fantasmé au centre de la terre. Stalagmites étranges, les céramiques de JP Racca-Vammerisse se dressent. Leurs peaux couvertes d’un émail déliquescent, gardent les traces du passage de ses doigts.
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Lamya Moussa s’improvise sociologue. Elle utilise l’image vidéo-graphique comme vecteur à des histoires qui questionnent l’image. Elle opère des glissements entre ce que nous voyons et le discours qui y est rattaché. La grotte devient, dans le travail de Lamya, un espace moins physique qu’un état psychologique. La forme de faux-documentaire vient porter un ton décalé sur le monde silencieux qu’est l’espace d’exposition.
« Listen to the silence of the cave. We can hear our own heart beat ».
La grotte des rêves perdus, de Werner Herzog
Texte par Yann Bagot, Lamya Moussa et JP Racca-Vammerisse