La céramique, un art engagé du 4 au 28 septembre 2013 Il est d’une tradition plus ou moins fondée d’imaginer que seuls les peintres peuvent avoir un engagement politique dans le sens le plus large. On se souvient de La Liberté guidant le peuple de Delacroix inspiré de la révolution des Trois Glorieuses, de Guernica, tableau dans lequel de Picasso, dénonce le bombardement de la ville éponyme pendant la guerre d’Espagne et plus récemment de l’exposition Keith Haring au musée d’Art moderne de la Ville de Paris organisée selon les thématiques abordées par l’artiste dans son œuvre comme l’individu contre l’Etat, le capitalisme, la religion, le racisme … (...) [Lire la suite]
Certes, la peinture, qui intervient sur tout type de support, est un moyen connu et utilisé pour traduire un engagement de quelque nature que ce soit. Pour autant, les artistes ayant recours à d’autres moyen d’expression, comme les sculpteurs, peuvent aussi faire preuve d’engagement politique. Ainsi, les compressions de César ne sont-elles pas des actes d’appropriation qui se veulent un défi à la société de consommation ? Qu’en est-il alors des artistes utilisant la terre comme moyen d’expression ? Si l’on veut bien oublier, un instant, l’utilisation millénaire qui a été faite de ce matériau pour la réalisation d’objets utilitaires, on peut se demander si nos artistes céramistes contemporains font, eux aussi, preuve d’engagement politique et sociétal. Cette interrogation posée, à laquelle la réponse ne faisait pas de doute en ce qui nous concerne pour avoir pu, par exemple, admirer une pièce très forte en céramique de Gisèle Buthod-Garçon dénonçant l’avortement sélectif pratiqué en Inde (actuellement au musée de la Piscine à Roubaix), il convenait de fédérer quelques artistes autour de ce projet sans pour autant les cantonner autour d’un thème précis. Il nous a paru plus intéressant de leur laisser le champ libre et de montrer ensuite des œuvres graphiques sur un thème proche ou identique destiné à souligner l’originalité des œuvres proposées. Dans le même temps, il nous a paru essentiel de demander aux artistes d’accompagner leur travail d’un texte expliquant leur engagement. Laurent Cellier et moi-même tenons ici à remercier ceux-ci pour leur implication dans cette aventure collective, si loin des expositions habituelles sur les théières, les bols et autres domaines dans lesquels ils excellent et pour nous avoir fait confiance dans l’orchestration et la mise en place de cette exposition. Comme le visiteur pourra s’en rendre compte, plusieurs thèmes ont retenu l’intérêt des participants. Ainsi, nous avons la défense de l’environnement avec Camille Virot qui dénonce l’exploitation abusive des ressources de la République Démocratique du Congo et de la région du nord-Kivu d’où provient le coltan dont nos appareils téléphoniques ont besoin pour fonctionner, Milan-Johannes Peters dont le travail à la palette de couleurs réduite à trois engobes, au cobalt et à un émail alimentaire se veut le plus simple et le moins invasif possible comme une manière d’utiliser au minimum les ressources naturelles qui l’entourent avec le moindre impact alors que Jean-Paul Azaïs, qui utilise uniquement des argiles locales qu’il décante dans une région marquée par les incendies et la rareté de l’eau réalise des pièces à la gloire de cette ressource (goutte de terre) et de la végétation. En relation avec l’actualité la plus récente, la cloche de terre décorée de manifestants par Bodo dénonce le risque lié à l’exploitation de la Rosia Montana en Transylvanie pour en extraire de l’or au détriment de l’environnement de la région. Ce même or que l’on retrouve avec Etienne Fleury qui en critique l’usage dans les rapports humains lequel asservi les plus pauvres aux plus riches. Ses lingots, réalisés en faïence dorée à l’or fin alors que cette technique est plus souvent utilisée pour de la porcelaine, nous disent clairement que tout ce qui brille n’est pas or et qu’il faut se méfier de ce qui nous est montré. Il rejoint, en cela Brigitte Marionneau et Corinne Guého qui interrogent la chaîne alimentaire, récemment agitée de scandales sanitaires, dont les matières premières échappent aux producteurs avant de se retrouver dans nos assiettes modifiées, empaquetées, labellisées au point que ce que l’on mange nous semble uniformisé à l’excès. De la gélule de science-fiction à celle qui tombe au hasard d’une roulette et sur laquelle nous n’avons aucune action le pas ne sera-t-il pas vite franchi ? Dans ce contexte, l’attaque d’une banque de viande de première qualité illustrée par Virginie Rochetti ne paraît pas être l’illustration d’un avenir si lointain. Cette société de consommation, que tous dénoncent, propose, à tout instant et en tout lieu, ses tentations de plus ou moins bon goût à l’instar de ces bols de petit déjeuner qui abondent dans les villages touristiques et que Jérôme Galvin transforme en moulant leur vide et en y inscrivant des insultes et détournements à la place des usuels prénoms. Et l’être humain dans tout cela ? Dans un monde où abondent les moyens de communications grâce auxquels il reste connecté avec ses connaissances ou « relations », l’Homme est désespérément seul. Que ce soit dans les bars où, l’œil rivé à son téléphone ou autre smartphone, il lit ses messages et attend ses appels sans plus s’occuper de ses voisins comme le montre Sophie Favre ou dans les villes où son habitat l’isole dans des tours (J.P. Racca-Vammerisse). Au point que les pouvoirs publics lancent des idées comme la « fête des voisins » destinée à créer des liens in situ et rappellent, en été, la solitude des personnes âgées… A l’échelle planétaire, cependant, les voisins peuvent être dangereux comme l’est le voisin américain pour le Mexique tel que le représente Full Mano en immense souris-Mickey-enfant armé d’un stylet qui déchire et découpe à tour de bras par pur caprice. Enfin, l’actualité religieuse ou sociétale n’est pas oubliée. Il en est ainsi des questions que soulèvent les religions. Les artistes ont alors le choix entre l’irrévérence – lorsque celle-ci est possible – comme le fait Aurélie de la Cadière avec « Mary » et l’affirmation de leur propre ressenti. Le voile islamique que portent, en Europe, certaines femmes musulmanes en est un exemple actuel avec pas moins de trois lectures différentes allant du rejet le plus total comme le fait Véronique Perrin avec ce voile cilice en passant par la nécessité-réalité du choix de Karima Duchamp pour aboutir à Vigil Baruchel pour qui le voile, chez nous, est le signe d’une femme forte qui affirme ainsi sa personnalité mais qui ne cache que son identité et non pas son appartenance au sexe. Le voile est alors un moyen de faire ressortir une certaine féminité qui triomphe dans « I see you » (Dans le métro) où la couleur de Bodo appliquée à la lecture que Virgil fait du voile islamique aboutit à une odalisque qui n’est pas sans évoquer le travail de Matisse. Mais l’actualité la plus récente, celle du « Mariage pour tous » notamment et l’opposition marquée de certains Français à ce projet pour des raisons que les plus éminents sociologues dénoncent comme étant la marque d’une étonnante négation de l’évolution de la société, n’a pas laissé insensible Eric Hibelot qui rappelle que la stigmatisation des homosexuels n’est pas sans conséquences tout en donnant aux plats réalisés par Jérôme Galvin et Full Mano une dimension plus politique. Parmi ces prises de position, celle de Fred Garcia pour qui l’Art est inutile dans le combat politique et ne peut donc être « engagé » peut étonner. C’est que pour Fred, seul le groupe et son action permet des avancées politiques et sociétales. L’individu seul n’est rien dans ce contexte et son action, par définition isolée, ne peut aboutir. Mais c’est exactement ce dont parle son œuvre illustrée d’individus, rarement seuls – et alors furieux – en relations les uns avec les autres dans des cartouches dont la totalité inscrit une histoire collective, chacun étant le maillon indispensable. Dans la réalité, d’ailleurs, le choix même de la cuisson au feu de bois par cet artiste n’est pas innocent. N’implique-t-elle pas, en effet, la réunion d’un groupe solidaire pendant toute sa durée autour d’un projet commun ? Eric Berthon, septembre 2013 Pour accéder à la galerie, veuillez cliquer sur la photographie
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La céramique, un art engagé du 4 au 28 septembre 2013 Il est d’une tradition plus ou moins fondée d’imaginer que seuls les peintres peuvent avoir un engagement politique dans le sens le plus large. On se souvient de La Liberté guidant le peuple de Delacroix inspiré de la révolution des Trois Glorieuses, de Guernica, tableau dans lequel de Picasso, dénonce le bombardement de la ville éponyme pendant la guerre d’Espagne et plus récemment de l’exposition Keith Haring au musée d’Art moderne de la Ville de Paris organisée selon les thématiques abordées par l’artiste dans son œuvre comme l’individu contre l’Etat, le capitalisme, la religion, le racisme … (...) [Lire la suite]
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