Découvrir la première pièce d’une exposition est toujours, pour le galeriste, un moment très émouvant et ce, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une œuvre d’Elisabeth Brillet, dont le travail est marqué par la recherche du mystère de la vie et de la nature humaine, avec la terre comme « moyen de réduire les frontières qui séparent les langages et les cultures ».
On se souvient, en effet, de l’œuvre intitulée Dans le silence des psaumes qu’elle a exposée à la galerie Collection à Paris il y a un an à peine et de l’émotion qu’elle a suscitée. Gageons qu’il en sera de même avec celles qu’elle a réalisées pour illustrer l’Eloge de la caresse à la galerie accroTerre : des mains de tissu et de terre, délicatement modelées, posées sur des feuilles de porcelaine gravées de certains Psaumes, de l’Ecclésiaste, du Livre de Ruth et surtout du Cantique des Cantiques, texte sans doute le plus érotique de l’Ancien Testament. Ce poème, qui célèbre le couple, l’amour et le désir, est comme une métaphore religieuse de l’amour de Dieu pour les hommes.
On y retrouve des feuilles de porcelaine estampées avec les caractères des manuscrits de la mer Morte, ainsi que l’opposition des matériaux. Le choix du tissu et de la terre crue pour la main qui caresse exprime la fragilité de la vie, dit la temporalité de l’homme, tandis que la porcelaine, matériau précieux rendu solide par la cuisson, traduit l’intemporalité d’un texte immuable. Et quoi de plus touchant que cette main, respectueuse mais vulnérable, dont les doigts étendus effleurent les fragiles feuilles ?
Opposition du profane et du sacré, du vivant et de l’immortel, tout cela avec des matériaux d’une extrême fragilité, comme l’est la caresse elle-même. Caresse qui est moyen de connaissance dans son questionnement au texte et, plus largement, de l’autre. Car, de la même manière qu’il n’y a pas une façon unique de caresser, les textes sacrés sont porteurs de sens infinis que le lecteur découvre en y revenant assidûment.
C’est à ce questionnement, cette éthique de la tendresse et de la connaissance, que nous convie aujourd’hui Elisabeth Brillet.
Eric Berthon