Anne VERDIER et Jérôme GALVIN avaient, depuis quelque temps déjà, l’idée de travailler « à quatre mains » (A4M), aussi est-ce avec délices qu’ils se sont investis dans la préparation de cette exposition à accroTerre. Les modalités fixées : échange de pièces destinées à servir de réflexion ou de base de départ à l’univers de l’autre, ils se sont mis au travail, chacun dans son atelier, l’un à Campagne Le Serre près de Moustiers-Sainte-Marie, l’autre à Desvernay près de Saint-Victor-sur-Rhins.
Une question se pose immédiatement : comment va s’effectuer ce rapprochement de deux univers que tout semble opposer ? Formes et décor inspirés de la vaisselle de table traditionnelle avec grotesques pour Jérôme, enfournement structuré, puis transformation par le feu et dégagement de matière au marteau pour Anne. Mais est-ce si simple ?
Certainement pas. En effet, Anne dispose dans son four des matériaux reliés entre eux par des émaux qui, lors de la cuisson, vont se mêler de manière à créer des strates colorées qu’elle dégagera ensuite, certes au marteau, dans un geste emprunté à la sculpture, mais c’est au feu qu’elle demande son matériau de départ. Jérôme, quant à lui, fort de son impeccable technique de décorateur, renouvelle les décors traditionnels de la céramique et s’affranchit des formes séculaires pour en investir d’autre plus organiques. Et l’on peut dire que l’exubérance du décor de l’un rejoint celle de la matière et des émaux de l’autre en essayant de faire sienne technique, recherches, univers tellurique ou graphique.
Comment alors se sont élaborées les pièces de cette exposition ? En fait, par interventions successives d’Anne puis de Jérôme ou l’inverse, comme des strates dont les éléments s’interpénètrent pour aboutir, à l’intersection, à véritables joyaux (d’où V1, ou G1… mais aussi VG…). Là intervient l’admiration qu’ils ont chacun pour le travail de l’autre, leur capacité d’écoute qui aboutit à cette exposition dans laquelle il est difficile de savoir exactement quelle est la part de chacun tant ils se sont approprié l’univers de l’autre.
Tout est nouveau dans cette exposition, pour nous et pour Anne et Jérôme : les poncifs spécialement créés par Jérôme pour le décor des pièces, le mélange de matériaux comme le grès, la porcelaine, la faïence, le verre. Les effets de matière et de couleur d’Anne lors de la prise en compte des pièces de Jérôme. L’accumulation et la fracture, le détail et la verticalité.
Dernière étape, la rencontre chez Anne, lundi 5 mars 2012, et la « composition » de certaines pièces en strates comme dans les travaux d’Anne, strates non plus obtenues lors de la cuisson mais par des œuvres de l’un et de l’autre, sorte de palimpseste des œuvres de Jérôme dont les décors cuits à très haute température fondent et donnent des coulées colorées comme les émaux d’Anne.
Magie des résultats dont l’issue était certes prévisible si l’on veut bien considérer l’énergie de nos deux artistes mais qui témoigne de l’immense générosité de chacun envers l’autre. Unicité de chaque pièce cette fois-ci encore plus que les autres fois du fait même de ce questionnement : « Qu’est-ce que je fais maintenant ? » Les œuvres présentées ici sont autant de réponses que nous vous invitons à découvrir.
Eric Berthon