Fin 2010, les curieux et les amateurs de céramique pouvaient admirer des œuvres de Wayne FISCHER au musée des Arts Décoratifs, à Paris, installées dans la pièce évoquant les courtisanes du 19ème et du début du 20ème siècle devant le lit de Valtesse de la Bigne et sur une console spécialement réalisée pour le luxueux hôtel particulier de la Païva toutes deux parmi les plus célèbres demies mondaines ou « Grandes Horizontales » comme les qualifiaient les mauvaises langues de leur temps. C’était, pour une fois, affirmer le caractère érotique, voire sexuel de l’œuvre de cet artiste sans se réfugier davantage derrière l’expression « formes organiques » qui est bien pratique pour éviter de nommer des formes qui évoquent le plus souvent des organes génitaux féminins.
C’est cette voie que la galerie accroTerre a choisi de montrer avec des œuvres récentes qui explorent des formes plus horizontales, comme des corps alanguis ou cabrés de plaisir. Malgré tout, exposer Wayne FISCHER est toujours une inquiétude, voire une remise en question. Celle de l’artiste tout d’abord. Son exigence de qualité toujours intacte, il se retrouve comme à la veille de sa première exposition avec ses doutes et ses interrogations. Mais aussi celle du galeriste qui se demande quel accueil sera réservé aux nouvelles formes élaborées par l’artiste.
Certes, Wayne est fasciné depuis toujours par l’idée de la vie, de la germination et c’est bien le corps féminin qui porte en lui toutes ces espérances. Mais ne serait-ce pas nous qui projetons toute une part de notre libido dans ses œuvres ?
Les fleurs tropicales, par exemple, ne prennent-elles pas souvent des formes très sexuées ? Et, plus simplement, ne peut-on pas voir dans ces œuvres des gousses s’entrouvrant pour laisser s’échapper des graines qui germeront et donneront naissance à d’autres plantes ? Toutes ne sont pas des Danaé attendant la pluie d’or qui les fécondera ! D’ailleurs, pour la première fois dans l’œuvre de Wayne, et c’est là la nouveauté de cette exposition, des formes plus phalliques apparaissent qui complètent son vocabulaire formel et illustrent ses nouvelles recherches.
Alors certes, il demeure l’incroyable sensualité de la matière, porcelaine cuite, émaillée, sablée, poncée afin d’obtenir ces réseaux de craquelures et ces carnations qui donnent l’impression d’être devant un corps dont la peau, à force de transparence, laisserait apercevoir tout un réseau veineux. Mais cette fois-ci Wayne va plus loin. Cet intérieur, qu’il nous donnait à voir sous la forme d’organes sexués, même s’il en reste des traces que les plus scrupuleux n’hésiteront pas à pointer du doigt, devient encore plus essentiel. Comme s’il décortiquait un cadavre dont les organes seraient en attente de transplantation tandis que les masses osseuses attendraient d’être réassemblées.
Mais alors pourquoi le titre « Horizontales » à l’évocation scabreuse ? Tout simplement parce qu’au-delà de l’horizontalité qu’explore Wayne, dans le rapport fécond entre hommes et femmes, ces courtisanes, à la beauté partout célébrée à leur époque, ne sont plus maintenant présentes que sous la forme de vestiges dorés, nacrés, exhumés, exposés, reliques d’une époque à jamais révolue.
Eric Berthon