Quoi de plus surprenant et en même temps naturel que de voir dans un même lieu, à quelques semaines d’intervalle, les formes retenues de Jean-Paul AZAIS, remplacées par « l’effervescence » contenue de celles de Sylvie PIAUD ?
Chaque artiste est, en effet, un magicien qui nous entraîne dans son monde où si les mots vases, bols conservent le même sens, ils désignent des objets dont la forme et le décor les opposent comme dans l’histoire de l’Art, le classicisme s’oppose au baroque.
Du baroque, en effet, Sylvie a emprunté le goût pour les formes « irrégulières », les décors décentrés où alternent des rouges, du bleu avec des touches de jaune, tandis qu’une large place est laissée à l’émail blanc, épais, qui est sa signature.
Ainsi de ses grands plats ou de ses coupes dont le cœur immaculé semble avoir rejeté sur les bords la plus grande partie des ornements enrichis de détails dont l’œil découvre peu à peu la complexité comme celle des orfrois dans une broderie ancienne.
Il en est de même de ses vases, dont le long col paraît décroché de l’épaule dans un mouvement si personnel qu’ils donnent l’impression d’une silhouette. Cette impression est renforcée par le décor imprimé, gravé, incisé, raffiné évoquant un vêtement de gala dont il reprend certains éléments.
Resté en réserve, le grès ajoute une tonalité chaude et sensuelle à cet ensemble libre et joyeux regroupé par famille, comme les différents mouvements d’un concerto.
De la musique maintenant ? Et pourquoi pas !
Après une introduction de bols alignés comme des notes sur une partition, les pièces se découpent dans l’espace tandis que leur « ornementation » vient en préciser le poids et la valeur dans le discours mélodique. Celui-ci est ponctué par les plats et les grands vases qui rythment son phrasé dans lequel une série de bols-arpèges sert de transition vers un nouvel élan musical avec toujours ruptures et contrepoints…
Quelle construction dira-t-on. Il n’en est rien. Sylvie connaît bien évidemment les caractéristiques du mouvement baroque, nom que les historiens ont donné – à postériori – à une période de l’histoire de l’Art, mais ce n’est pas chez elle là qu’il faut chercher son inspiration si ce n’est par cette fantaisie foisonnante qui l’inspire et l’anime.
C’est aussi simplement la nature qui l’entoure et avec laquelle elle se sent en parfaite harmonie, qui lui donne chaque jour envie de revenir à son tour pour une nouvelle aventure avec la terre avec laquelle elle entretient une riche relation qu’elle veut largement partager.
Eric Berthon