Pour ceux qui ne connaissent pas le travail, je devrais déjà écrire l’œuvre de Marit, cette exposition les laissera, comme je l’ai été d’ailleurs moi-même, sous le charme de ces pièces savamment élaborées à la personnalité si forte et qui, animaux ou personnages, accrochent la lumière. Pour les autres qui l’ont suivie depuis ses premiers pas à Saint Sulpice, à Bandol et récemment – un an – au musée des Arts décoratifs à Paris, dans le cadre du parcours céramique organisé à l’occasion de l’Académie Internationale de la céramique, c’est presque une révolution. C’est du moins un émerveillement.
En effet, quelle évolution et surtout quelle capacité de renouvellement de son vocabulaire formel depuis ses premiers travaux dont la force prometteuse n’a jamais échappé ni aux artistes de la génération précédente, ni aux collectionneurs qu’ils soient privés ou publics.
C’est que son travail est en totale symbiose non seulement avec le monde dans lequel elle évolue, mais aussi avec les émotions qu’elle éprouve.
Ainsi, les pièces réalisées à Prissac, tant dans leur forme souple que dans les émaux de cendre utilisés, privilégiaient un lien très fort à la nature, à la géographie du lieu et au mode de cuisson qui était alors le sien, la cuisson au feu de bois.
Son passage dans l’atelier d’Altkirch avec la vue sur lequel celui-ci donnait – usine désaffectée, cheminées- et l’utilisation d’un four électrique ont signé le passage à une autre manière de traiter le matériau, presque toujours la porcelaine, soit laissée blanche, soit teintée dans la masse de noir ou de bleu jouant ainsi d’oppositions colorées très fortes. A ce moment, l’émail brillant a laissé la place à un émail mat, toujours onctueux, qui semblait « glacer » la pièce comme le sucre glace dans un gâteau.
Immobiles, géométriques, elles conservaient toujours une sensualité qui donnait envie de les caresser pour en sentir le grain satiné.
Et là, pour cette exposition, sa première exposition personnelle, Marit a choisi d’explorer encore et toujours ce qui est pour elle ses « Paysages intérieurs » avec un travail de la porcelaine et du grès qui, conserve dans certaines pièces la trace de ces cheminées d’usines qui l’ont marquée. Mais cette expérience est largement dépassée par le « tissage » de minces colombins d’argile patiemment et longuement ajoutés dans une masse qui semble s’ouvrir comme pour donner à voir l’intérieur de la pièce.
Nuages de fumée, arbres, champignons, animaux des fonds marins, dont on peut se demander s’ils ne sont pas vivants tant leur structure même semble en mouvement, toutes ces « explications », cette volonté de trouver du « sens », sont possibles.
Mais dans ces pièces aux coulées d’émail caramel, dont les branches, les bras pourrait-on écrire semblent évoquer le buste d’un danseur, ne peut-on pas plutôt voir comme une présence qui emplit la pièce et qui respire, une force qui cherche à se libérer, un mouvement saisi dans ses prémices et qui annoncent –déjà- les prochaines œuvres de Marit ?
Eric Berthon