Le plus souvent c’est en choisissant les œuvres pour l’exposition que le titre s’impose comme une évidence pour le galeriste et l’artiste. Il en a été différemment pour celle-ci.
En effet, Jérôme GALVIN a choisi comme thème fédérateur celui des variétés de langue française qu’il aime et qu’il fredonne peut-être lorsque, dans son atelier situé près de Moustiers Sainte-Marie, il façonne les colombins d’argile à partir desquels il montera sa pièce. Passant ainsi de Boris Vian à Camille, de Jeanne Moreau à Zazie les pièces qu’il réalise trouvent leur inspiration dans le titre de la chanson comme le réservoir et le tuyau d’une chasse à tirage pour « Un tube de toilette » de Boby Lapointe ou un mortier dans « Commando » de Vanessa Paradis. En retenant ce thème Jérôme va, sans s’en douter, nous livrer beaucoup de lui-même. Car la manière d’évoquer ces chansons lui est toute personnelle comme elle le serait d’ailleurs pour chacun d’entre nous.
Ces variétés c’est tout d’abord une musique entraînante puisqu’on la retrouve dans la façon très charnelle qui est la sienne de réaliser ses pièces. Il faut le voir en effet « danser » avec la terre qui prend forme sur le haut tour avec lequel il travaille, mouvement dansant que l’on retrouve immobilisé dans les bords évasés et comme déchirés de certaines œuvres.
L’artiste nous raconte aussi quels sont pour lui ces « objets perdus ». Ce sont ceux de tous les jours, ceux que l’on recherche le matin en s’habillant ou tout au long de la journée comme le paquet de cigarettes ou le cendrier. Et des correspondances se nouent entre les monotypes et les œuvres de céramique dont les uns reprennent ou annoncent le décor des autres. On touche là quelque chose de plus personnel. Lui qui pendant des années a représenté des scènes religieuses, des lambrequins et des grotesques sur des pièces aux formes canoniques prend un malin plaisir à transgresser ce vocabulaire décoratif « sérieux » et à décorer ses pièces de slips, de chaussettes ou même de sexes. Mais, alors même qu’il se veut iconoclaste, il réutilise la forme du médaillon pour inscrire une tête ou un titre sur un vase, il réalise de parfaites frises d’entrelacs le tout certes dans une profusion de décor qui confine à l’horreur du vide à l’opposé de ces compositions classiques et aérées qu’il a connues évoquant les célèbres faïences d’Iznik.
Enfin, il « écrit » beaucoup sur ses œuvres allant de l’abécédaire peint traditionnel que l’on trouve si souvent en broderie en passant par les lettres estampées de « On n’a pas fait bon ménage à proprement parler », par les titres comme dans « La boite en fer blanc » et l’argot pour aboutir à de simples traits d’une écriture qui aurait abandonné tous signes pour n’être que ligne qui souligne, qui renforce.
Eric Berthon