Mireille Moser, lorsqu’elle parle de ses œuvres, n’essaie pas de revendiquer une quelconque recherche spécifique, elle évoque simplement le plaisir qu’elle ressent à créer, plaisir qu’il nous est facile de constater en les contemplant là, immobiles devant nous, hiératiques et comme ancrées dans le sol dont leur matériau, le grés, en est issu.
Deux éléments corroborent ce sentiment, tout d’abord la taille des pièces. Même si la forme en est courante : vases sphériques ou de section géométrique plus ou moins simple, elles sont d’une taille, d’un volume qui leur confère une « présence », une force, une « énergie » et inconsciemment le visiteur se demande quel peut être leur poids et s’il pourra les soulever. Cet aspect est incontestablement un des éléments nouveau de l’aventure que nous vous proposons de mener avec nous. La réflexion quasi obligatoire de la permanence de l’œuvre d’art, quelque soit le matériau dont il est constitué. Certes la terre, une fois cuite est l’un de ceux qui résiste le mieux au temps comme en témoignent les vestiges de certaines civilisations qui ne sont connues que par leurs céramiques. Mais, devant les œuvres de Mireille, la question ne se pose même plus. Nous sommes devant un morceau d’intemporalité, d’éternité, devant des pièces dont on se demande si elles n’ont pas leur propre existence autonome. Et la géométrisation de certaines d’entre-elles n’est pas étrangère à ce sentiment de présence pérenne, apaisante voire rassurante.
Le second élément est la couleur qui explose littéralement sur la surface de ses pièces. Sans revenir aux sources de l’impressionnisme ni du rayonnisme un élément très simple vient accréditer l’importance de la couleur dans le travail de Mireille. Et rien n’est du au hasard Son atelier donne sur un jardin dans le sud de la Drôme. C’est là qu’elle choisi et dose ses pigments avant d’en teinter la porcelaine dont elle revêtira les pièces qu’elle façonne. Sous ses yeux, le ciel, un muret de pierres, des arbres et des plantes épuisées de soleil, de chaleur l’été, qui passent donc du vert au jaune paille mais aussi de l’ombre à la lumière selon le moment de la journée, cette lumière qui écrase et mêle les couleurs comme dans un immense mortier. Et là, le plaisir que prend Mireille est palpable dans cet assortiment de teintes, de nuances que le feu vient ensuite valider, transformer, magnifier. Certaines ont les tons d’un matin froid de janvier, d’autres ceux d’une chaude journée d’été, d’autres encore semblent dissimulées sous un arbre dont elles vont profiter de l’ombre bleue, presque noire dont elles deviennent le miroir.
On ne peut, devant ce « travail d’observation et de rendu » oublier des peintres comme Bonnard notamment dont l’Atelier au mimosa conservé au Centre Georges Pompidou montre l’irruption de la couleur « dans » l’atelier de l’artiste. De la même manière, les œuvres amples et généreuses de Mireille ne semblent-elle pas reprendre les aspects changeants de cette nature environnante comme autant de fragments, comme autant d’émotions ? Et, dans cette luxuriance de tonalités, une pierre, comme celles des murets du jardin, apparaît parfois et va, soit de sa texture, soit de sa forme anguleuse, « enrichir » la pièce.
Eric Berthon