Martine Hardy, formée aux Beaux Arts de Rennes, avoue un intérêt prononcé pour l’architecture. Elle aborde la céramique en autodidacte en 1996. Ses recherches la mènent alors aux Dormantes qui évoquent des graines en attente de germination, aux Cavités dont le vide crée une zone d’ombre et aux Cœurs qui peuvent s’extraire de la pièce ou, au contraire, y reprendre leur place. Tout ceci évoque bien sûr des emboîtements dont on peut se demander si elle va en poursuivre l’idée.
C’est effectivement le cas avec sa toile Archipel laquelle va, comme une photo aérienne, donner l’idée d’un emboitement, tout au moins d’un regroupement imaginaire de neuf de ses œuvres présentées à la galerie. La base de chacune d’entre elles, en toile de chanvre marouflée sur châssis, donne lieu à un assemblage dont on imagine aisément qu’il pourrait être tout autre. A ces imbrications, jouant des rapports possibles de ces figures géométriques, s’ajoute le fait que Martine va faire des angles de ses pièces l’essence même de ses travaux. Que se soit sur papier ou en céramique, ceux-ci sont identiques et l’on ne sait qui de la céramique, de l’œuvre peinte ou du dessin sur papier pelure précède l’autre tant le travail sur la forme se nourrit de ses esquisses. Très vite, en effet, s’effectue le passage du plan au volume et, enrichies des ombres portées par leur structure même, leurs anfractuosités obscures, leur texture, ces pièces donnent ainsi naissance à des Parois.
Ainsi, l’exploration à laquelle se prêtait déjà Martine des rapports des formes entre elles, de leur imbrication, des intervalles, des pleins et des vides, des contours et des ombres, de la texture et du décor va se poursuivre et même s’amplifier dans la mesure où ces parois anguleuses sont riches de plusieurs faces qui vont permettre de les aborder selon divers « angles » de vue.
Paroi, poème d’Eugène Guillevic (Carnac, Morbihan, 5 août 1907 – Paris, 19 mars 1997) a joué aussi un rôle de catalyseur pour Martine. Là, l’auteur aborde la notion de paroi de tous les points de vue possibles, que ce soit la paroi qui sépare, qui fractionne, qui change au gré du temps et des émotions ou celle plus intérieure et psychologique qui, à l’instar de la paroi matérielle, nous limite dans nos actes.
« La paroi, mais qu’est-ce
Qui vous dit
Qu’il n’y en a qu’une ?
Certes, nous avons notre terminus (…)
Est-ce que serait là
Qu’est notre Paroi ?
Ce serait seulement ça ? » (1)
Et il questionne aussi la paroi sur sa permanence.
« Et tu seras là toujours ?
Tu ne te fatigueras pas ?
Tu attendras » (2)
Eric Berthon
(1) Paroi, éd. Gallimard, 1970, pp.34-35