Paul Klee disait, lorsqu’il était interrogé sur l’origine de son travail qu’il « était abstrait avec des souvenirs ». Cette concession à la curiosité pourrait s’appliquer à Gisèle Buthod-Garçon en ce qui concerne ses oeuvres les plus récentes. Ceux qui la connaissent se souviennent de la série des Bustes qui a précédé celle des Cocons puis des Chrysalides. Ces pièces, animées d’un mouvement plus ou moins marqué, que l’on retrouve aujourd’hui dans Stèle, reprenaient le souple contraposto des statues antiques ou évoquaient les mouvements qui déchirent le cocon à la sortie de la chrysalide ou ceux de cette dernière lors d’une mue.
Aujourd’hui, ce mouvement est oublié. Seule demeure la forme, sobre, stable. Il en résulte une grande impression de calme, de tranquillité, voire de sérénité que renforcent les titres des pièces comme Repos, Intime, Ermitage. Ceux-ci évoquent certes la solitude, mais une solitude apaisée et apaisante, une solitude désirée qui est matière à réflexion, voire à introspection. D’ailleurs, ne trouve-t-on pas aussi des Arches dont la vocation est de relier et qui permettent ainsi contact et enrichissement mutuel ?
Pour traiter cette sorte d’ascèse, Gisèle réalise des pièces à la fois massives et élégantes auxquelles la base confère assise et stabilité dans un camaïeu de gris sur lequel un émail vitreux accroche la lumière. De petites ouvertures, oblongues ou circulaires, figurées ou réelles, viennent apporter une touche de sombre dans ces « constructions ». Car tout semble ici habitable et même habité.
Ainsi, même les pièces intitulées Repos, dont la forme est la plus éloignée de celle de la maison, fut-elle exotique, portent des ouvertures qui nous invitent à y entrer et suggèrent un intérieur chaleureux et protecteur. La manière dont l’engobe blanc est posé, plus grassement sur ou autour des ouvertures, vient encore renforcer cette impression de se trouver devant une demeure dont un examen attentif révèle que les ouvertures sont délicatement soulignées de cet émail aux perles d’argent que Gisèle a mis au point et qui est presque devenu sa marque. Dans le même temps, la manière dont l’émail vitreux utilisé capte et renvoie la lumière donne l’impression d’un élément de paysage écrasé de soleil.
Dans ce contexte, les pièces dénommées Intime ajoutent une autre dimension à ce propos. Plus assises, plus compactes, elles semblent faire masse, « avancer », mettre en valeur le signe qu’elles portent sur leur « façade » comme une affirmation. Cette mise en volume d’images stabilisées par le feu, comme certaines habitations en terre crue le sont par le soleil, témoigne de cette capacité que possède la terre et donc la céramique à être un puissant médium artistique.
Nous sommes ici devant une sorte de « point d’étape ». En effet, tout concourt à une sorte d’évocation sereine et calme des voyages entrepris par Gisèle en Afrique (greniers à mil et cases, oreiller éthiopien) ou plus récemment en Asie. Ces souvenirs, qu’elle prend plaisir à évoquer de cette manière si personnelle pleine de sensibilité et d’émotion retenues, sont totalement assimilés et deviennent matière à création sans que l’on puisse en déterminer exactement l’origine comme le sont d’ailleurs les Réminiscences…
Eric Berthon