Cela fait plusieurs années que nous fréquentons l’atelier de Robert Montaudouin à Dieulefit. Non pas pour avoir vu son travail dans une galerie, car Robert est plutôt discret, mais parce que de bouche à oreilles, il se disait qu’il fallait voir ses pièces dont les décors étaient bien campés, notamment les carreaux qu’il réalisait sur lesquels hommes, femmes et chiens se mêlaient dans une joyeuse agitation. Nous avons pu ainsi découvrir que Robert peignait à l’occasion, sa première passion, puisqu’il avait obtenu en 1976, à l’Ecole Nationale des Arts Appliqués et Métiers d’Art de Paris, un diplôme dans la section « Art mural » et qu’il reste toujours quelque chose des études que l’on a suivies ou même de ses anciennes amours.
Et, en 2006, à l’occasion d’une nouvelle visite, une surprise nous attendait. Quelques céramiques utilitaires, des carreaux encore, des bustes rehaussés de couleurs et surtout deux toiles, de petite taille, sur lesquelles des personnages se détachaient sur un fond presque uni, l’un sombre, l’autre coloré. Personnages rapidement esquissés certes, mais desquels il se dégageait une présence, en même temps une certaine fragilité, qui interpellait le spectateur.
Ce mélange de simplicité et de profondeur, on pouvait penser qu’il allait donner suite à l’élaboration de tout un monde. Aussi quel ne fut pas notre plaisir quand, l’année suivante, nous avons trouvé l’atelier et la salle d’exposition qui le jouxte remplis de toiles sur lesquelles le plus souvent un ou deux personnages semblent glisser à la surface du tableau pour s’arrêter quelques instants, regardant le spectateur, comme pour partager avec lui l’intensité de leur interrogation. Car il y a bien un questionnement dans ces regards, une histoire qui se déroule dans le plan de la toile avec ces poissons dont on détermine difficilement s’ils vont être mangés ou remis à l’eau, ces oiseaux qui picorent des cerises à la « surprise » du personnage qui assiste à la scène en sursautant.
Robert raconte ces « petites histoires » avec une grande fraîcheur, un sentiment d’intimité et d’humanité qui rendent les personnages tout à fait sympathiques, si sympathiques d’ailleurs que l’on se sent capturé par l’épisode qui est figuré, et que l’on se prend à en imaginer la suite. C’est donc tout naturellement que l’envie s’est faite d’exposer ce travail même si, depuis, Robert l’avait montré à divers endroits notamment sur des cimaises parisiennes comme celles du Grand Palais. Dans le même temps, alors qu’il avait mis de côté terre, glaçures, émaux, il s’est pris à modeler des personnages, ceux-là même qui animent ses toiles et sur lesquels on retrouve, en trois dimensions cette fois, la même surprise d’être là et regardé.
« Mon but, dit Robert, est d’exprimer des émotions, un état d’être de manière très intime, mélange d’humour, de tristesse, à mi-chemin entre le rêve et la réalité, entre l’ombre et la lumière ». Et ceci à l’occasion d’une présence fugitive, d’une rencontre dont l’artiste doute qu’elle soit suffisamment riche pour nous intéresser alors même que cet instant partagé entre la joie et la tristesse, la peur et l’espérance est comme l’illustration poétique de nos expériences quotidiennes, de ces « choses que l’on aime et que l’on ne peut jamais vraiment saisir ». Nul doute donc que vous aussi, à l’instar de ce qui nous est arrivé, vous serez en « résonance » avec le théâtre de Robert.
Eric Berthon