« Est-ce l’œuvre du même artiste ? » Cette question, posée lors d’une précédente exposition, n’a plus lieu d’être ; c’est bien le même monde qui se déroule sous nos yeux, des colonnes de « blocs parallélépipédiques », aux têtes, éclairs …
Cet univers n’est pas le fruit d’une lente élaboration ; Laurent Dufour le porte en lui depuis toujours. Dès ses débuts en céramique, de touchants petits personnages venaient animer ses supports : bols, assiettes, plats. Lorsqu’en 2009 il élabore ces parallélépipèdes, c’est tout naturellement qu’ils y prennent place. Quel chemin parcouru depuis les premiers blocs – sièges – dont le décor linéaire de Yes est un témoignage !
Maintenant, Laurent passe à des pièces comme Ice ou Off sur lesquels non seulement le dessin se densifie mais les plages de couleurs ne sont plus limitées par la ligne et vivent leur propre vie.
Et c’est bien de vie dont ces œuvres nous parlent. De la vie de supers héros, masqués comme il se doit, évoluant dans un monde peuplé d’animaux – lapins, chats, chiens- avec lesquels ils entretiennent de nombreux rapports. Une vie un peu tribale avec ce décor qui devient comme un tatouage et ces scarifications comme sur Ice. Laurent n’ajoute-t-il pas « le graphisme emmène et tisse des liens à l’autre » ?
En même temps que les parallélépipèdes, Laurent réalise des têtes, qui sont la mise en volume de ses décors puisqu’on y retrouve les mêmes personnages masqués, les animaux, le même type de décor – scarification dans Flamme, ou Lapin – . Ces têtes parlent également d’appartenance, de cohésion, mais aussi d’animalité, de la part d’animalité qui est en nous. Et la couleur, qui vivait sa propre vie sur les blocs, se fait totem avec Noire, animale avec Jaune tandis que le vert vient donner du sens à Flèche.
Mais ce ne sont pas des personnages d’un manège enchanté : des Eclairs apparaissent ça et là, entre les personnages des blocs, mais aussi en trois dimensions entre les têtes sur les socles. Les flèches qui orientent ou qui sortent de Directions illustrent les différentes possibilités qui s’offrent à nous et que l’on peut aborder au cours d’une existence.
Laurent, qui avoue « les choses vont tellement vite que c’est bien de se poser pour avoir le temps de les vivre pleinement », a choisi d’explorer la couleur tandis que « le corps ce sera pour plus tard ». Une nouvelle expérience, une nouvelle « dimension » que cette exposition nous permet d’attendre patiemment.
Eric Berthon