Ce qui frappe immédiatement chez Clémentine Dupré, c’est la perfection formelle de son travail, le raffinement dont elle fait preuve dans l’élaboration de ses pièces. L’œil, en effet, est tout de suite séduit par la délicatesse de ses bols, cylindres, anneaux concentriques de porcelaine ou « échafaudages » de grès réalisés au Japon. Cette perfection vient d’une pratique qui remonte à son plus jeune âge puisqu’elle confie avoir presque toujours travaillé la terre.
Et c’est de cette longue complicité que naissent les formes qu’elle nous donne à voir dont les flancs semblent agités d’un mouvement plus ou moins vif en fonction de l’œuvre, parfois même comme une simple palpitation de la matière.
Ces pièces sont, le plus souvent, regroupées sous des titres comme « Microcosme », « Macrocosme », « Modulation ». En effet, les œuvres s’emboîtent, se répondent, se complètent à l’instar de ce qui fascine Clémentine depuis toujours : l’organisation des systèmes, des plus petits aux plus grands, des millions de cellules qui forment l’Homme aux galaxies, en passant par le monde de tout les jours, la ville et son agitation, les systèmes économiques ou politiques.
Sur les bords des pièces, disposées en grappe, des perles de porcelaine réunies les unes aux autres et émaillées afin d’en assurer la cohésion tranchent par leur couleur… Sont-elles là comme simple décor ? Non ! Elles évoquent la loi du nombre et deviennent alors métaphores du Monde, de la matière même, de l’être humain et de la cellule dans laquelle il vit ou travaille, illustrant ainsi l’interdépendance qui est la sienne.
À l’occasion de son séjour au Japon l’artiste s’est trouvée confrontée à des modes relationnels différents, à une occupation de l’espace autre que celle à laquelle elle est habituée en Europe. Voulant en plus utiliser les matériaux qui lui étaient proposés, Clémentine s’est lancée dans la réalisation de pièces nommées soit « Japon », soit « Systèmes » où ce qui est donné à voir, ce n’est pas une forme, mais la structure même de cette forme, son imbrication dans l’espace. En effet, sur des socles rectangulaires ou circulaires, des bandes de terre viennent évoquer soit un paysage soit une forme dont l’architecture reste lisible par le simple fait qu’elle n’est pas recouverte. Un peu comme une habitation japonaise traditionnelle peut donner à voir son ossature une fois les murs disparus, un peu comme ces portes de temple qui peuplent l’archipel et structurent ainsi l’espace tout en l’occupant d’une manière poétique certes mais aussi anarchique.
Ces œuvres illustrent, par extension, les rapports humains avec ce qu’ils peuvent avoir de fragile et de pérenne, de structuré et d’aléatoire, mais aussi d’aveugle, de violent, d’anarchique même. Que devient l’individu dans un tel système ? Lui qui fait partie d’un ensemble tout en restant unique ? C’est cette ambiguïté entre l’individuel et le collectif, le tout politique, le tout totalitaire qui fascine l’artiste et qu’elle veut explorer.
Comment alors ne pas être attiré par un travail dont la perfection formelle cache une telle richesse sémantique ?
Eric Berthon