Rendre visite à Camille VIROT sur ses terres n’est certes pas le fait du hasard. Il faut prendre ses précautions ! Va-t-il ou a-t-il neigé récemment ? Le chemin qui mène chez lui risque en effet d’être dans ce cas impraticable ! Et que de cartes, d’indications et de ténacité pour y parvenir, car il faut laisser derrière soit routes fréquentées, emprunter à la sortie d’un ultime village un chemin de terre afin d’arriver au dernier hameau, celui de Vière dans lequel il habite depuis qu’il a choisi de s’installer dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Quelques bâtisses composent ce hameau dont la principale lui sert de demeure. Alentours une autre maison reste vide plusieurs mois chaque année, transformée en résidence secondaire. Les autres bâtiments, étables, celliers, remises et même église en ruines sont entourés d’arbres et de buissons. De part et d’autre les montagnes. Pas très hautes, mais suffisamment pour que les nuages s’y accrochent justifiant les conditions climatiques du lieu. Devant, une ouverture sur la vallée par laquelle on accède à Vière. Le temps d’un café et c’est la découverte de l’atelier de Camille. Ou plutôt des ateliers. Celui des stagiaires, celui d’hiver, celui d’été, les emplacements des fours et le long des chemins qui relient ces différents lieux, des sellettes, des socles sur lesquels trônent ses œuvres. Ratage de cuisson ? Pièces qui n’ont pas données satisfaction à leur auteur ? Peut-être. Mais là, dans une rocaille, à même le sol où faisant face au paysage, à cette nature âpre que l’on croirait sortie d’une œuvre d’Henri Bosco, la symbiose est si forte que l’on a l’impression qu’elles en font partie.
Et c’est le cas pour toutes, même de celles qui reviennent d’exposition et que l’on trouve « abritées » dans une pièce ouverte sur deux côtés dans laquelle le vent et la pluie tourbillonnent, mouillant tout sur leur passage.
Est-ce le lieu qui conditionne l’œuvre ? Je ne crois pas. Camille a choisi de s’installer dans un endroit qui lui correspondait et dans lequel son travail serait en symbiose même s’il ne le savait peut-être pas lui-même en 1971. Mais cette nature, âpre pour certain, d’une abondante richesse pour d’autre tisse de plus en plus de liens avec les œuvres qui y voient le jour comme les « Maisons », les « morceaux choisis », les bols, les « boites » et surtout les « bols-genèse » qui en sont, tous des illustrations. Limitons nous aux « boites » et aux « bols-genèse ».
Les premières, carrées, rectangulaires ou rondes se construisent, comme en géologie, par strates successives, avec un corps en raku ou en porcelaine surmonté d’un couvercle de béton réfractaire et de zones intermédiaires de béton vitreux, de bronze. Cette composition ainsi que la couleur, toute en retenue, jouent une large part dans le rapprochement qui peut se faire de ces boites avec le paysage.
Les « bols-genèse » quant à eux, réalisés à partir de bols « ratés », se réfèrent au « creux dans le caillou où la rosée se recueille ». Emergeant d’une gangue de matériaux composites, comme d’une motte de terre que l’on viendrait de retourner et dont ils seraient « l’esprit », ils se revêtent de touches d’émaux colorés comme le ferait, dans la nature, la mousse ou le lichen donnant, eux aussi, l’impression d’être une partie du tout qui les environne
Eric Berthon