Lorsque Caroline Chevalier retint le mot Rougir comme titre de son exposition à la galerie accro Terre, à quoi pouvait-elle bien penser ?
Certes le rouge est une couleur que Caroline affectionne et que l’on retrouve, comme un fil d’Ariane, dans le décor de ses œuvres notamment sous la forme du coquelicot. Ou dans certains éléments comme une anse ou un couvercle qu’elle aime à réaliser dans une couleur forte. Et cela que ce soit à Aix-en-Provence ou maintenant dans sa maison sise dans la région du Mont Mézenc, près du célèbre Mont Gerbier de jonc, où c’est le vert qui domine dans la vue de l’atelier qui surplombe la vallée. Mais ce vert n’est-il pas ponctué, au premier plan, par des plantes que le vent anime, notamment d’immenses pavots rouge ?
Rougir, alors qu’elle nous présente des tasses, théières, traversins, vases de toutes tailles et de toutes formes destinés à mettre en valeur la fleur ou la tige qui en émerge et même un Barbapapa délicieux, le tout façonné en grès finement chamotté qu’elle travaille à la plaque avec une facilité confondante.
Rien donc qui puisse nous faire rougir !
Mais rougir, c’est rendre rouge, c’est mûrir.
Au-delà du cycle des saisons, Caroline pensait certainement au feu qui rougeoie, l’hiver, dans l’âtre de sa cheminée alors que le froid sévit à l’extérieur, sans savoir que le temps serait, cette année, si rude et que Rougir, même pour nous citadins, serait l’évocation immédiate de la douce et bénéfique chaleur qui semble émaner des quatre Feu de l’exposition, vers lesquels le visiteur est presque tenté de tendre les mains pour se réchauffer.
C’est aussi la couleur de la lave en fusion. Habitant une région d’origine volcanique, elle n’est pas restée insensible à l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll qui a inspiré deux de ses créations alors que ses cendres obscurcissant le ciel empêchaient les avions de décoller.
Au sens figuré, Rougir c’est avoir honte ou être en colère. Alors ne peut-on poser différemment la question? Cette nature, si présente dans le décor de l’œuvre de Caroline, si luxuriante parfois, n’est-elle pas le signe de sa sensibilité vis-à-vis d’une nature qu’elle souhaite protéger ? L’arrosoir, d’ailleurs, n’est-il pas emblématique du travail de Caroline, puisqu’il ne saurait y avoir une exposition sans ce récipient qu’elle réalise de telle sorte qu’il puisse être utilisé ? Et ce récipient à long col n’est-il pas destiné à contenir de l’eau et permettre d’arroser les plantes ? C’est peut-être enfin le rouge de colère d’une nature que l’homme maltraite en paraissant s’y intéresser et que Caroline met tout son cœur à défendre.
Eric Berthon